mercredi 21 mars 2012

Big Band


Ils ne sont pas légion en France parmi les musiciens de jazz à avoir choisi, comme Christophe Dal Sasso, de mettre au premier plan de leurs préoccupations la composition et l’arrangement (terme un peu boiteux par lequel on désigne l’art d’édifier toute une partition d’orchestre à partir d’une simple mélodie). Dans le jazz, en effet, l’instrument est souvent premier et l’écriture vient généralement dans un second temps quand les improvisateurs cherchent à élaborer un matériau propice à stimuler leur imagination. Christophe Dal Sasso fait donc office de relative exception, ayant délaissé la trompette dont il jouait à ses débuts pour se consacrer à la conception de pièces qui l’ont imposé comme l’un des plus remarquables compositeurs à mettre son talent au service du jazz contemporain.
S’il est nourri des classiques du genre, s’il fût bercé par les grands noms des big bands qui ont fait l’histoire, Christophe Dal Sasso revendique une double culture qui doit autant à la tradition du jazz et à ses valeurs fondamentales qu’à une assimilation profonde des modes d’écriture et des principes de composition développés dans la musique classique du XXe siècle. Aussi son écriture sait-elle manier aussi bien le swing que le sérialisme, le blues que l’atonalité, les riffs que les correspondances de timbres. À quarante ans, Christophe Dal Sasso se situe dans la lignée de ceux qui ont ainsi eu l’ambition d’emprunter au meilleur des deux mondes, de Gil Evans à Bob Brookmeyer en passant par Toshiko Akiyoshi ou son propre mentor, Ivan Jullien, grand arrangeur français des années soixante qui lui fit découvrir la musique d’Henri Dutilleux.
Les projets artistiques dans lesquels son nom est apparu ces dernières années sont d’ailleurs à la confluence de plusieurs univers, que l’on songe à sa collaboration à Music from Source, relecture du folklore israélien menée par le saxophoniste David El-Malek, ou surtout à ses différentes associations avec les frères Belmondo, Lionel et Stéphane, camarades d’enfance avec lesquels il s’initia à la musique dans son Var natal et qui sont devenus des compagnons de route : «Hymne au soleil », relecture sous le sceau du jazz de pièces de Lili Boulanger et Maurice Duruflé (2002) qui trouva des prolongements dans «Influence » (2005), double album enregistré avec le saxophoniste afro-américain Yusef Lateef, et enfin «Belmondo/Nascimento», disque dans lequel le grand chanteur brésilien est servi par un orchestre symphonique.
Pour sa part, Christophe Dal Sasso est le signataire de trois albums : le premier à la tête de son Big Band dont l’instrumentation inclut cor, tuba et flûtes (« Ouverture », 2004), et qui fait office de manifeste ; le second, « Exploration » (2006) avec en soliste invité David Liebman sur un répertoire inspiré des théories harmoniques développées par le saxophoniste américain. C’est impressionné par le travail d’écriture mis en œuvre à cette occasion que ce dernier lui a confié, suite à la commande passée par l’Ensemble intercontemporain, la responsabilité d’écrire des variations pour orchestre à partir de certains de ses propres solos. Une nouvelle «exploration» dans le parcours d’un compositeur qui, en toute discrétion, ne cesse de révéler sa valeur. Et le troisième “prétextes” sortie en juin 2011   chez Bflat/Discograph 
Vincent Bessières

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